Corneille vient de sortir son nouvel album « Entre Nord et Sud » et
il nous a donné rendez-vous dans un café parisien « Chez Justine » pour
nous en parler.
JustMusic.fr : Ton précédent album « Les inséparables » a rencontré un énorme succès, peux-tu me faire un petit bilan ?
Corneille : C’est un album que j’ai défendu sur deux fronts, il y a
eu le succès des titres autant sur disque qu’en radio. J’ai pu faire mon
retour dans les oreilles des gens on va dire, car ça faisait un petit
moment que je n’avais pas eu de succès radio. Cela a contribué fortement
aux ventes du disque. Le second front a été la scène, car cette tournée
a été les retrouvailles avec mon public. Je dirais que le bilan est que
c’était un premier pas dans une nouvelle phase de ma carrière. Mes deux
premiers albums ont rencontré le succès, les deux d’après dont un
en anglais ont un peu moins marché et puis j’ai fait une pause. « Les
inséparables » est l’album de mon retour ainsi que celui des
retrouvailles. Quoi qu’il arrive avec ce nouvel album et les prochains,
je pense que tous mes succès futurs auront énormément à voir avec cet
opus.
JustMusic.fr : T’attendais-tu à ce succès, vu que les deux
précédents « The Birth of Cornellius » et « Sans Titre », ont
effectivement beaucoup moins marché ?
Corneille : Je ne m’attendais pas à ce que le public soit présent
pour l’album « Les inséparables », mais je l’espérais. J’ai essayé de
faire le meilleur disque possible et c’est ce que je fais à chaque fois.
Tout le reste, que ce soit les passages radio ou à la télé, la réaction
du public… toutes ces choses sont hors de mon contrôle. Finalement le
seul contrôle qui me reste est celui de la création et ce que je fais de
l’interprétation de cette création que je fais sur scène. Je ne
m’attendais à rien, mais j’espérais beaucoup (sourire).
JustMusic.fr : Donc ton nouvel album « Entre Nord et Sud » vient de sortir, peux-tu m’expliquer le titre ?
Corneille : C’est un petit peu ma situation, car c’est là où se situe
mon identité. Et cet album l’illustre très bien que ce soit au niveau
des thèmes, des textes ou des sons. J’essaye toujours de trouver un
parfait équilibre entre les sonorités africaines qui étaient
omniprésentes quand j’étais gamin au Rwanda en Afrique, et qui le sont
toujours dans ma conscience aujourd’hui. Je le fais mais toujours sur un
lit de hip hop et de R’n’B, ce qui reste très afro-américain. Plus
j’avance dans ma carrière et plus je me rends compte que je ne peux pas
vivre sans ça, il y aura toujours quoi que je fasse un peu d’Afrique
ainsi qu’un peu de hip hop et de R’n’B. Cela se confirme et ça devient
très clair sur ce nouvel album.
JustMusic.fr : Est-ce pour cette raison que tu dis que ce disque est un nouveau départ ?
Corneille : Le nouveau départ c’était « Les inséparables », « Entre Nord et Sud » en est la suite et confirme ce nouveau départ. J’avais un pas
dans l’avenir avec le précédent album, et maintenant j’en ai un autre.
JustMusic.fr : On retrouve de nombreux featurings dans cet album, est-ce que tu peux m’expliquer ces choix de collaborations ?
JustMusic.fr : « Tu mérites mieux » avec Gage :
Corneille : J’avais écrit et composé pour le premier album de Gage et
ce duo marque nos retrouvailles. C’est un pote de très longue date et
ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vus. Ce duo s’est fait grâce à
des fans que nous avons en commun. Ils voulaient tous qu’on retravaille
ensemble, et la vie a fait qu’on s’est retrouvés, alors très
spontanément je lui ai envoyé la chanson qui était déjà sur l’album mais
que je chantais seul. Il a tout de suite aimé le morceau et on s’est
retrouvés à Paris en studio pour enregistrer comme au bon vieux temps.
JustMusic.fr : « Nostalgie » avec Ice Prince :
Ice Prince est un des artistes phare de l’afro beat en ce moment et
il vient de gagner le BET Awards 2013 du meilleur artiste international.
Il fait partie de cette école de jeunes rappeurs qui sont un peu les
héritiers de Fela, et j’en suis fan ! L’afro beat c’est un amalgame de
hip hop très moderne et de sonorités de Fela… J’ai commencé à bosser
avec des réalisateurs américains qui vivent à Londres et nos envies se
sont croisées. Ils m’ont fait un son, j’ai fait la mélodie et le texte.
Ils m’ont proposé de travailler avec Ice Prince et comme je recherchais
quelqu’un comme lui, j’ai accepté car il était vraiment parfait pour ce
titre-là.
JustMusic.fr : « Au bord du lac » avec Nadja :
Corneille : Nadja est une chanteuse canadienne dont je suis fan, elle
a pure voix et elle est très connue au Québec. C’était aussi une idée
qui trainait depuis longtemps, mais il fallait juste trouver le titre.
J’ai écris cette album avec mon épouse et elle m’a parlé du train qui a
explosé dans une petite ville du Québec le Lac-Mégantic. Sofia m’a dit
que c’était de ce thème-là qu’on devait parler et on s’est mis à écrire
dans la foulée. Nadja est venue en studio et dès les premières prises
elle le chantait avec tellement de justesse que je n’étais plus sûr de
vouloir m’y coller. C’était tellement beau que je voulais qu’elle le
garde pour elle, mais elle a tenue que je chante et c’est devenu un duo.
JustMusic.fr : « Ego » avec Youssoupha :
Corneille : Avec Youssoupha, tout a commencé avec « Histoires
vraies », et cette rencontre a été tellement forte tant artistiquement
qu’humainement, qu’il était évident qu’on refasse un titre ensemble. Une
fois l’instru de « Ego » finie, je l’entendais déjà et je savais que
c’était lui qui allait chanter avec moi. C’est bizarre de s’adresser à
son ego et si ce n’est pas bien traité ça peut être abstrait. Je ne
voyais que lui pour servir le titre et il a fait d’après moi, un des
meilleurs couplets que j’ai entendus dans le rap français, et je le
remercie.
JustMusic.fr : « Sans raccourcis » avec Kery James :
Corneille : Kery James c’était la suite de « A l’horizon », un titre
que ma fan base a beaucoup aimé. Ce n’est pas un hasard s’il est encore
là après toutes ces années. Il a des valeurs et des principes tellement
forts que c’était un honneur qu’il m’invite sur ce morceau. Le thème de
« Sans raccourcis » correspondait totalement à Kery James, le fait
d’aller jusqu’au bout de ses principes et de ce à quoi on croit.
D’éviter les raccourcis sans opportunisme, d’y aller jusqu’au bout
quitte à se planter plusieurs fois et se relever. Je l’ai donc invité
aussi naturellement qu’il l’a fait pour le sien.
JustMusic.fr : On retrouve différents styles sur cet album,
il y a même de l’électro et du reggae. Comment qualifierais-tu cet
album ?
Corneille : L’électro pour le titre « Le paradis » est une
parenthèse, mais pour tout le reste ça reste comme le dit le titre
« Entre Nord et Sud ». Il y a du hip hop de par mes invités et la
production, celui que j’ai toujours aimé et que j’aime toujours. Il y a
aussi du R’n’B dans ma façon de poser et mes harmonies vocales.
L’Afrique est aussi très présente, et ce qui fait l’album est le mariage
entre la culture hip hop – R’n’B très afro américaine et les influences
africaines plus ou moins subtiles sur certains titres. On retrouve
aussi un peu d’afro caribéen mais produit dans un son urbain – pop
occidental. Le côté électro est pour le titre « Le paradis » et j’ai
d’ailleurs fait une version piano – voix qui va mieux avec le reste de
l’album.
JustMusic.fr : Dans le titre « Fais-moi la paix » tu dis
qu’il n’est jamais trop tard pour pardonner. Le pardon est-il le secret
du bonheur ?
Corneille : Je ne dirais pas que c’est le secret car s’il n’y en
avait qu’un ce serait trop facile (sourire). Je pense que le pardon de
soi est une des clés principales du bonheur.
JustMusic.fr : Il y a aussi la chanson « Nostalgie », es-tu nostalgique de tes débuts ?
Corneille : Je le suis un tout petit peu de mes débuts, mais je le
suis surtout d’une partie de mon enfance, de l’Afrique et du Rwanda où
j’ai grandi. Je ne suis pas passéiste donc ça reste de la nostalgie,
c’est une tendresse que j’ai pour une partie de mon passé et que
j’exprime en chanson et en musique.
JustMusic.fr : En parlant de passé, peux-tu me dire quelques mots sur tes anciens albums ?
JustMusic.fr : « Parce qu’on vient de loin » 2002 :
Corneille : C’est l’album de toute une vie car c’est mon premier et un premier album on ne le refait jamais.
JustMusic.fr : « Les marchands de rêves » 2005 :
Corneille : C’était l’album de la reconnaissance, il est arrivé après
un très gros succès et je me suis senti redevable à ceux qui en avaient
fait un succès.
JustMusic.fr : « The birth of Cornélius » 2007 :
Corneille : C’était l’album de la délivrance car j’avais envie de me
libérer d’un certain nombres de choses et j’avais aussi surtout envie de
faire ce dont j’avais envie depuis toujours, faire un album dans la
langue qui m’a éduqué musicalement.
JustMusic.fr : En referas-tu d’autres en anglais ?
Corneille : Sûrement mais je ne sais pas encore quand.
JustMusic.fr : « Sans titres » 2009 :
Corneille : Comme le dit le titre c’est l’album de la remise en
question, des constats… mieux que ça je dirais que c’était l’album de
l’audace.
JustMusic.fr : On te retrouve aussi sur d’autres projets à
succès comme « Génération Goldman 1 et 2 » et « Forever Gentlemen ».
Pourquoi selon-toi ces albums de reprises fonctionnent autant ?
Corneille : Justement on en parlait (sourire), je pense que tout le
monde est nostalgique et c’est pour ça que les reprises marchent. Elles
ramènent beaucoup de gens dans des époques très précises de leur vie, où
elle était peut-être plus légère ou meilleure. Des vies moins chargées
de responsabilités et de pressions. Le son est très fort pour ça et
éveille la mémoire d’une façon incroyable. Par exemple, une musique sur
laquelle on a eu son premier baiser, elle nous marque à vie. Les gens
qui sont fans de Jean-Jacques Goldman qui est un monument de la chanson
française, et qui n’a rien fait depuis très longtemps sont ravis
d’entendre ses titres interprétés par d’autres artistes. Vu qu’on ne
sait pas s’il refera quelque chose, ces reprises fonctionnent forcément.
En France il y a cette particularité de la chanson d’il y a 20 ans, qui
arrive à être transmise aux plus jeunes. Quand M. Pokora et Tal
interprètent un titre de Goldman que les parents connaissent par cœur,
les fans vont évidemment s’y intéresser sans se dire que c’est une
vieille chanson. L’idée était brillante mais on ne pouvait pas prévoir
un aussi grand carton. Pour « Forever Gentlemen » c’est pareil et en
plus il y a le côté esthétique où les garçons portent des costumes et
les filles des robes de soirée. Les années 50 c’étaient la légèreté et
les gens en ont besoin aujourd’hui. Ils sont un peu grisés et ils ont
besoin de ça.
JustMusic.fr : Tu repartiras en tournée en 2014, quels souvenirs gardes-tu de ton Olympia le 21 novembre 2012 ?
Corneille : C’était une grande date car le dernier Olympia que
j’avais fait datait de 2006. Il y a quelque chose avec cette salle qui
confirme un certain succès. Faire son premier Olympia n’est pas le plus
difficile, car le plus dur est d’y revenir. Je l’ai vécu comme un super
cadeau que le public me faisait. C’était une super date et c’était très
émouvant.
JustMusic.fr : As-tu encore le trac avant de monter sur scène ?
Corneille : Il y a forcément une petite nervosité car je veux bien
faire, mais je ne suis pas quelqu’un d’angoissé. Je ne flippe pas avant
de monter sur scène, j’ai juste hâte d’y être. Généralement on sait
que ça va bien se passer car les gens sont là pour me voir et non me
lapider et ça c’est rassurant (sourire). Il y a des publics plus faciles
que d’autres, mais j’ai fait tellement de scènes que je sais comment
gérer les gens qui sont moins chauds au départ. Mais au final ça se
termine toujours bien, heureusement (sourire).
JustMusic.fr : As-tu des rituels ?
Corneille : (rires) Sur la dernière tournée on
faisait quelque chose de vraiment stupide avec mes musiciens. On se
mettait en cercle, on mettait nos mains et on devait trouver la rime la
plus stupide qui allait avec le nom de la ville. On a pris l’habitude de
faire ça (sourire).
JustMusic.fr : Pour finir as-tu un message à passer à ton public qui te suit depuis toutes ces années ?
Corneille : Merci pour m’avoir soutenu au début et de m’avoir permis
de faire ce que j’avais besoin de faire. Que ce soit mon album en
anglais, ou celui « Sans titres » qui était le plus audacieux de ma
carrière, comme je te le disais tout à l’heure. J’avais besoin de les
faire pour explorer d’autres choses et revenir à ce que je fais plus
spontanément. Chaque album c’est toujours comme si on allait dans un
labo pour faire des expériences, et à un moment donné on est content car
sa formule a marché. J’ai expérimenté et aujourd’hui je me sens très
bien. Je me suis dit qu’on avait droit de le faire et qu’on n’était pas
prisonnier de quelque chose. Je tenais à remercier le public de m’avoir
permis de réaliser tout ça et de revenir aujourd’hui (sourire).
Source : justmusic.fr