Corneille lancera mardi au Québec Entre Nord et Sud,
un tout nouvel album sur lequel il a choisi de se réconcilier avec le
Rwanda, son pays d'origine. La Presse s'est entretenue avec le chanteur
tout juste avant son départ pour la France, où il a présenté plus tôt
cette semaine ses nouvelles compositions.
Son nouvel album aurait tout aussi bien pu s'appeler Nostalgie.
Fini la mélancolie, Corneille ne chante plus ses peines, mais propose
une relecture de son passé dans laquelle l'Afrique est devenue, au fil
des années, un héritage plus qu'une blessure.
«Mes textes décrivent assez bien mon état d'esprit actuellement: un
besoin de revisiter un certain passé pour mieux le digérer, avec un
certain recul. Plus je vieillis, plus l'Afrique me hante.»
C'est donc à travers les yeux du bonheur que le chanteur a choisi de
mener sa rétrospective. «Je revisite le passé pour dire que si la vie me
doit une dette, elle me l'a remboursée en me donnant ma petite famille.
Souvent, on a tendance à trop s'accrocher à ce qu'on a perdu. C'est un
album plein de reconnaissance», résume-t-il.
Entre hip-hop et soul, R&B et pop, rap et reggae, la sonorité de ce
nouvel album est plus que jamais marquée par ses origines, mélangeant
«afrobeat» et pop, et de ses goûts musicaux tout aussi métissés, de Sam
Cooke à Otis Redding en passant par Fela.
«Culturellement, je ne peux pas choisir entre l'Afrique où j'ai grandi
et l'Occident qui m'a éduqué et où je me suis refait une vie
aujourd'hui», précise Corneille.
«Le besoin de retourner en Afrique avec la musique était tellement fort!
Mon passé m'appelle autant au niveau des textes que de la sonorité. Dès
que je commençais à trouver une mélodie, ça sonnait comme de la rumba
congolaise. C'est plus fort que moi!», ajoute le chanteur.
Tout comme sur ses deux derniers albums, Corneille a coécrit Entre Nord et Sud
avec sa conjointe Sofia de Meideros. Une manière de travailler qui est
devenue un véritable rituel et qui pousse le chanteur à confronter ses
plus grandes peurs.
«Généralement, on discute d'un thème et Sofia se met à écrire. Souvent,
il y a une phrase ou deux qui va me sauter aux yeux et me guider
musicalement. Il y a des thèmes qui me font peur, car je ne suis pas
prêt à les aborder. Quand elle me les présente, j'y suis confronté et je
les apprivoise. Finalement ça me pousse dans mes retranchements et ça
donne de bonnes chansons. Ça a été le cas notamment sur Toujours là,
mais aussi Nostalgie, où je parle au Rwanda: mais dans le
refrain, je m'adresse à mon père. Lui parler m'horrifiait, et d'une
ébauche à une autre, je l'ai apprivoisé», confie-t-il.
Enregistré entre Montréal et Londres, le nouvel album de Corneille a été
réalisé par son complice Marco Volcy. Mais pour la première fois, le
chanteur a choisi de collaborer avec une nouvelle équipe.
«Je suis tombé sur deux Américains installés à Londres et pour la
première fois, je me suis ouvert à toutes les possibilités. J'ai
tellement été sectaire, voire égoïste dans le passé avec ma musique: je
pensais que j'étais le seul à comprendre ce que je voulais faire. Alors
cette fois je me suis laissé aller, je leur ai demandé de m'envoyer des
choses et c'était excellent. Ce qui a donné lieu aux titres Nostalgie, Fais-moi la paix, Toujours là et Paradis. Je n'avais qu'à choisir les instrumentaux qu'ils m'envoyaient pour composer des mélodies et coller des textes», explique-t-il.
Alors qu'on commémorera en 2014 les 20 ans du génocide rwandais,
Corneille envisage-t-il de poursuivre sa réconciliation avec son pays
d'origine en se rendant sur place pour les cérémonies de commémoration?
«Je ne suis pas encore prêt à y aller, même si je l'envisage et que j'en
ai de plus en plus envie. Pour le moment, j'y suis au moins réussi
musicalement», conclut-il.